5 questions sur l'entrepreneuriat féminin au Mali

Ecosystèmes entrepreneuriaux
08.03.2021
L’Afrique sub-saharienne est la seule région du monde où les femmes sont plus susceptibles de travailler à leur compte que les hommes et où 27% d’entre elles créent une entreprise. La Journée Internationale des Femmes est donc l’occasion pour l’équipe du FACEJ de saluer tous les efforts, le courage et la ténacité de ces jeunes femmes. 

Créé par l’ambassade du Danemark et mis en œuvre par le gestionnaire de fonds (Swisscontact/PLAN-BØRNEfonden), le Fonds d’Appui à la Création d’Entreprise par les Jeunes (FACEJ) a pour objectif principal d’appuyer les jeunes de 18 à 35 ans sortant d’une formation technique, professionnelle ou supérieure, dans le démarrage ou le développement de leur entreprise. 

5 questions à Chloé Elise Rismann, Conseillère Communication & Sexospécificité Swisscontact Mali

Chloé Elise Rismann

Le FACEJ vise à promouvoir l’entrepreneuriat chez les jeunes, et tout spécialement chez les femmes ? Un des objectifs étant d’atteindre au moins 40% de jeunes femmes entrepreneuses. Quelles sont les mesures spécifiques prises pour atteindre cet objectif ?

La promotion de l’entrepreneuriat au Mali n’est pas une tâche facile, surtout dans les régions les plus reculées. En effet, bien que l’indicateur des 40% ait déjà été atteint à Bamako, nous rencontrons plus de difficultés dans les régions de Tombouctou et Ségou notamment.

A ce jour, le FACEJ répond à trois principaux obstacles rencontrés par les femmes souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat au Mali, à savoir :

1.  L’accès à l’information

2.  L’accès au financement

3.  L’accès à la formation

  1. L'accès à l'information : Le FACEJ compte aujourd’hui 52 partenaires ou facilitateurs, dont l’objectif premier est de rencontrer les jeunes qui souhaitent créer ou développer une entreprise. Certains de ces facilitateurs sont spécialisés dans l’identification et l’accompagnement des jeunes femmes. Grâce à leurs propres réseaux et connections, les facilitateurs diffusent les informations sur le projet, ses conditions de financement, et accompagnent les femmes entrepreneuses sur une période de 12 à 18 mois.
  2. L'accès au financement : L'objectif principal du FACEJ est de soutenir les jeunes promoteurs d'entreprise dans la création et/ou le développement de leur société à travers l’obtention d’un prêt bancaire. Lorsqu'une jeune femme a élaboré son plan d’affaires et qu'elle est sélectionnée par le comité de sélection du FACEJ, elle obtient une prime, qui lui permet de réduire d’autant le montant du crédit nécessaire au développement de son projet.
  3. L'accès à la formation : Dans le cadre des dispositifs mis en place par le FACEJ, les jeunes entrepreneuses bénéficient d'un accompagnement lors de l'élaboration de leur plan d'affaires et reçoivent des formations en gestion d'entreprise et en éducation financière.

 Nous travaillons actuellement sur un plan d'action visant à promouvoir et soutenir l'entreprenariat féminin dans les régions reculées du Mali, et notamment à Tombouctou, Ségou et Sikasso.

Quels sont les défis à relever pour promouvoir l'entrepreneuriat féminin et mettre en œuvre les mesures mentionnées ci-dessus ?

Je pense que la première question que nous devons nous poser est « Qu'est-ce que l'entreprenariat féminin ? ». Au Mali, de nombreuses femmes exercent déjà de petites activités génératrices de revenus pour leur famille. Cependant, ces activités ne sont souvent pas perçues comme de l'entrepreneuriat, car elles ne sont pas formalisées. Le principal défi consiste donc à formaliser ces activités. En aidant les jeunes femmes à formaliser ces activités, nous facilitons leur accès au financement, à la formation, à l’information et aux réseaux.

 

« Au Mali, de nombreuses femmes exercent déjà de petites activités génératrices de revenu pour leur famille. Souvent, ces activités ne sont cependant pas perçues comme étant de l’entrepreneuriat étant donné qu’elles ne sont pas officialisées. Le défi principal est donc d’officialiser ces activités.  »

Chloé Elise Rismann, Conseillère Communication & Sexospécificité Swisscontact Mali

 

Eu égard aux barrières sociales et culturelles, il est très difficile pour les femmes, surtout dans les régions hors de Bamako, de créer une entreprise formalisée. Dès leur plus jeune âge, elles se voient attribuer des rôles au sein de la société qui relèvent de la prise en charge de la famille et du foyer. Lorsqu'une femme veut créer sa propre entreprise ou travailler, elle a besoin de l'approbation de son mari et de sa famille et, dans certaines régions, de celle des anciens et des chefs de village. Elle ne peut avoir accès ni à l'éducation ni aux moyens financiers nécessaires pour créer et développer sa propre entreprise.  Bien que le FACEJ offre de nombreuses opportunités aux femmes, notamment en matière de financement, rassembler les 5% d'apport personnel requis pour obtenir un prêt bancaire représente encore un obstacle important pour elles.

Quels sont les secteurs particulièrement porteurs pour l'activité des femmes et pourquoi ?

Selon nos indicateurs actuels, les femmes interviennent dans tous les secteurs d’activité, y compris dans l’agriculture voire dans les industries de la construction et du bâtiment souvent considérées comme étant des secteurs plutôt masculins. Elles demeurent prédominantes dans les secteurs de la transformation agroalimentaire, la cosmétique et la coupe-couture.

Toutefois, il ne faut pas oublier, comme le mentionne pertinemment Barakissa Sylla dans l’interview que : « Il n’y a question de ‘je suis une dame, je ne pas faire ça, je ne dois pas faire ça…’ Il n’y a pas de ça ! Il faut toujours se dire qu’une dame peut tout faire sauf si elle n’a pas décidé de le faire. »

Le fait que - selon une déclaration du film - les femmes soient aujourd'hui privilégiées par rapport aux hommes pose-t-il problème ? Par exemple, en ce qui concerne l'égalité des sexes et le rôle traditionnel des hommes dans les cultures africaines ?

Ce que les populations du Mali pourraient percevoir comme une préférence doit également être considéré comme permettant de re-créer une forme d’égalité. Bien sûr, le FACEJ a mis en place des mécanismes spécifiques pour promouvoir et encourager l’entrepreneuriat féminin, mais uniquement dans l’unique but de rétablir une certaine égalité des chances et des opportunités. Si nous prenons l’exemple de la prime accordée aux femmes permettant de réduire le montant de leur crédit, celle-ci pourrait effectivement être considérée comme établissant une préférence. Cependant, sachant qu’il est nettement plus difficile pour ces jeunes femmes d’obtenir un crédit au départ, et également plus difficile pour elles de réunir les 5 % d’apport personnel, l’allocation d’une prime permet de rétablir l’égalité des opportunités et des chances.

27 % des femmes d'Afrique subsaharienne créent leur propre entreprise, le taux le plus élevé au monde ! Que pourraient apprendre d'elles les femmes et les autres groupes de femmes dans le monde ?

Il est important de se rappeler que les femmes en Afrique subsaharienne créent leur propre entreprise souvent par nécessité pour nourrir et subvenir aux besoins de leur famille. Ce pourcentage est particulièrement impressionnant compte tenu du nombre d'obstacles auxquels les femmes sont confrontées dans leur vie quotidienne. Pour moi, cela met clairement en évidence leur courage, leur force et leur persévérance.