À vous la parole : Abdelfatth Baouden, délégué provincial du Tourisme 

Tourisme durable
16.02.2022
Des critères GSTC pour un tourisme durable, mode d'emploi ? 

Comment procédez-vous à la mise en place des critères GSTC dans la stratégie touristique actuelle ?

Baouden Abdelfattah, Délégué provincial du tourisme à Béni Mellal 

En général, l’application des principes de développement durable et la mise en place des critères GSTC dans les stratégies touristiques n'est pas un exercice de tout repos.

En effet, sur le plan vertical et dans la majorité des cas, l'architecture organisationnelle du secteur est stratifiée en plusieurs niveaux décisionnels : nationaux, régionaux et locaux, ce qui ne facilite pas la mise en œuvre sur le terrain de plans d'action concertés.

Aussi, sur le plan horizontal, la gouvernance du secteur étant assurée par un département de tutelle n'ayant pas la main sur les autres aspects sociaux et environnementaux (qui demeurent gérés par d'autres institutions publiques) rend difficile la mise en place de plans d'action susceptibles de fédérer l'ensemble des acteurs.

Certes l'adoption de ces critères est assez compliquée, néanmoins la région de Béni Mellal- Khénifra a déjà tenté cet exercice et s'est lancée avec optimisme dans ce challenge qu'elle entend bien gagner, tant  ses atouts et  ses spécificités convergent vers la durabilité comme unique et ultime voie de développement.

A cet égard, force est de constater que désormais l'identité du territoire BMK, en tant que destination touristique, est fortement liée à deux thématiques dominantes :

  • La nature (dimension environnementale) ;
  • l'authenticité (dimension sociale et culturelle).

Ce nouveau positionnement officialisé par le Contrat Programme National de la vision 2020 et consolidé par un effort de communication orchestré conjointement par l'Office National Marocain du Tourisme et le Conseil Régional du Tourisme, marque une rupture avec la vieille image qui réduisait la région à un simple espace géographique propice au tourisme de montagne pour l'ériger en destination nature, mature et durable.

Dans ce même contexte, les partenariats bilatéraux et multilatéraux ont constitué un cadre, une opportunité et un outil de planification pour le développement  durable de la destination BMK :

  • Convention de partenariat conclue entre le département du Tourisme, le conseil de la région BMK et l'OCP ;
  • Programme  du tourisme durable Suisse/Maroc  (TDSM);
  • Programme du tourisme durable (GIZ/ HCEFLCD) ; haut- commissariat aux eaux et forêts et la lutte contre la désertification
  • Programme green jobs (Ministère du Tourisme/HCEFLCD)
  • Programme de l'USAID/BMK.

Ces initiatives dispersées et disparates, ont abouti par consolidation progressive, à vulgariser le concept de base et à ancrer localement les bonnes pratiques de durabilité.

Pour sa part, la Délégation Provincial du Tourisme de Béni-Mellal, en tant que structure de management opérationnel et relais du Ministère du Tourisme à l'échelon local, veille à s'assurer l'adhésion, à ce choix stratégique, de toutes les parties prenantes impliquées dans le processus de développement socio-économique du territoire en vue de canaliser les interventions vers des exécutions qui matérialisent cette ambition stratégique du territoire BMK. L'objectif étant d'y asseoir les bases d'un développement touristique durable et d'en faire le porte drapeau à l'échelle nationale et pourquoi pas internationale.

Concrètement, cela se traduit sur le terrain par un effort de réhabilitation des lieux et de mise en valeur des principales curiosités touristiques de la région en vue de préserver leur qualité paysagère et environnementale (convention de partenariat MT/Conseil régional Beni Mellal Khénifra /OCP).  

Ces sites, restés longtemps enclavés, (ce qui est un mal pour un bien puisque cet enclavement a contribué à la préservation de leur qualité environnementale) sont aujourd'hui, grâce au développement des infrastructures routières, facilement accessibles  et par conséquent plus vulnérables à  la pression humaine.

Le risque de voir ces valeurs paysagères laminées par des fréquentations abusives ou des actions de spéculation foncières hâtives,  appelle à une vigilance particulière afin de protéger et valoriser cette offre originelle non marchande.

D'où l'intérêt de ces interventions publiques pour les doter d'aménagements adaptés, de points d'accueil jour (parkings, sanitaires, allées piétonnières...) et de mesures de protection visant à maintenir la pression touristique en deçà du seuil de tolérance naturelle : cas du parc Ain Asserdoun à Béni-Mellal, du centre d'estivage Taghbalout à El Ksiba et des jardins de Tamda à Zaouit Cheikh.

Parallèlement à ces actions institutionnelles en matière d'aménagement de l'espace, la DPT de Béni-Mellal s'efforce de promouvoir, auprès des prestataires de services touristiques (généralement des coopératives,  des groupements et des associations), les produits  les plus respectueux de l'environnement et les moins perturbateurs des milieux.

Les loisirs les plus propres et les moins nocifs sont privilégiés au détriment des activités polluantes et de masse.

Généralement amies de la nature, les activités physiques de plein air (APPN),  telles que la randonnée pédestre, équestre, le VTT, le rafting le kayak, l'escalade, la spéléologie, l'ornithologie…. sont mises en avant, développées et promues pour répondre aux besoins d'une demande de plus en plus exigeante en matière d'engagement environnemental.

Y a-t-il un plan de formation et de sensibilisation à ces critères afin de soutenir les opérateurs professionnels à leur mise en place dans leurs activités ?

En vue de  mettre en œuvre les éléments du "tourisme durable" et introduire les critères GSTC dans les pratiques des entreprises touristiques, la DPT de Béni-Mellal privilégie  vis-à-vis de ses  partenaires socio-professionnels intervenant dans la chaîne de valeur touristique, une approche pragmatique basée sur l'écoute des besoins  afin de leur proposer des mesures adaptées qui répondent de manière efficace aux défis auxquels ils sont confrontés.  

Elle les accompagne, le plus souvent, dans   l'implémentation des fondamentaux du management environnemental hôtelier en priorisant les domaines suivants :

  • L'économie d'eau (installation de limiteurs de débits, installation de compteurs de consommation, réutilisation, timing d'arrosage...) ;
  • L'efficacité énergétique (clés magnétiques, double vitrage, installation de détecteurs de présence, production d'énergies renouvelables...) ;
  • La gestion des déchets (tri, traitement, recyclage...) ;
  • La pollution sonore (isolation phonique) ;
  • L'intégration paysagère (respect de l'architecture locale, utilisation des matériaux locaux...).  

Pour les entreprises opérationnelles, l’accompagnement de proximité permet souvent la vulgarisation de la culture environnementale auprès du personnel employé, et les opérations de contrôle sont des opportunités de choix pour  le sensibiliser et l'éduquer. Tandis que l'argument de la rentabilité et du retour sur investissement  constitue le moyen de persuasion le plus efficace pour s'assurer l'engagement des propriétaires et gérants (investissement/ retour sur investissement,  chiffres à l'appui)

Pour les nouvelles réalisations, une sensibilisation en amont est faite pour intégrer les aspects éco-techniques dans la conception initiale des projets. D'où l'émergence,  ces derniers temps, au niveau local,  d'une offre d’hébergement de la nouvelle génération : dômes, chalets, glampings, écolodges...

Par ailleurs, eu égard à l'importance des écolabels et des programmes de certification  dans la généralisation des pratiques durables et la réalisation des objectifs nationaux et régionaux en matière de développement durable, la DPT de Béni-Mellal a accompagné plusieurs professionnels locaux dans cette démarche de certification, notamment pour les labels « clé verte » et « Welcome Safely » initiés par le Ministère du Tourisme.

Ces programmes qui ont pour double finalité d’encourager les prestataires de services d’hébergement à être plus  sensibles à l'hygiène et la sécurité des employés et des clients (contexte sanitaire oblige) et à  l’environnement et à sa durabilité, sont également  des instruments qui leur permettent de mesurer et d’améliorer les performances, de réduire les coûts, et de transmettre un message positif aux clients potentiels.

D'autres actions de sensibilisation sont également menées à destination des autres acteurs de la chaîne, notamment les guides des espaces naturels et les agents de voyages. L'objectif étant que ces prestataires de service souscrivent, dans l'exercice de leurs métiers, à cette démarche de durabilité et en fassent un argument de communication et de vente.

Quels sont les impacts directs attendus en mettant en place les critères GSTC dans la région BMK ? (à titre d’exemple)

Le développement de l’industrie touristique à l’échelle de la région BMK a subi, à l’instar de toutes les destinations du monde, les effets de la crise sanitaire du Covid19, et doit faire face à une panoplie de nouveaux défis et besoins de grande ampleur.

A ces  défis, vient s’ajouter la vulnérabilité du milieu aux changements climatiques et ses répercussions négatives sur son attractivité touristique. 

C’est dans ce contexte que les nouvelles formes de tourisme, plus respectueuses des populations et de l’environnement constituent une opportunité pour une reprise touristique plus forte et plus résiliente. le modèle actuel du tourisme ayant montré ses limites, il se doit d’être revu et repensé afin que des transformations structurelles profondes y soient introduites. 

En effet, l’évolution des attentes des clients au cours des dernières années a énormément changé et fait que les opérateurs touristiques doivent  dorénavant répondre aux besoins d'une clientèle plus hétérogène, plus informée et plus  exigeante   dans sa demande en matière d’engagement social et environnemental.

L’intégration des standards internationaux de durabilité (GSTC)  semble répondre à maintes égards à ces attentes, et permettra certainement d’obtenir de meilleurs résultats, pour que la destination BMK puisse être davantage appréciée tant  à l’échelle nationale qu' internationale.

 D’ailleurs, ces critères s’alignent parfaitement avec les principes fondateurs de la Charte Marocaine du Tourisme Durable, qui  constitue un cadre de référence réaffirmant la volonté et les principes d'un tourisme durable et responsable. 

Il est donc certain que la mise en œuvre des critères GSTC dans la Région BMK aura de multiples impacts positifs sur le secteur. Ces derniers peuvent être regroupés en deux principales catégories :

  • Impacts sur la durabilité socio-économique de la destination qui se traduiront par une amélioration des conditions de vie de la population locale par, la génération de nouveaux emplois, l’amélioration des activités commerciales, la satisfaction des employés et des clients, le développement des compétences et des softs-skills ainsi que la valorisation des produits locaux.
  • Impacts sur la durabilité culturelle et environnementale à travers la gestion et la conservation des sites patrimoniaux et des paysages ruraux, en particulier ceux qui connaissent une forte sollicitation, compte tenu de leurs qualités paysagères et environnementales, ainsi que la prévention des différentes sources de pollution et l’utilisation rationnelle et équitable des ressources naturelles.

TDSM : Cas d’école.

Dans le cadre de l’opérationnalisation du Programme Tourisme Durable Suisse Maroc (TDSM), dans la région BMK, différentes actions ont été réalisées ou ont reçu un début d’exécution. On peut d’or et déjà apprécier les impacts les plus  visibles chez les communautés locales. En effet, les mesures prises jusqu’à présent permettent de percevoir les avantages souhaités de l’utilisation des critères GSTC qui se reflètent à travers le transfert d’expertise, l’amélioration des performances touristiques et de durabilité.

 Les actions déjà réalisées ont porté principalement sur :

  • L’amélioration de la qualité d’hébergement à travers une opération de réhabilitation de 40 gîtes en tenant compte des critères GSTC. Cette opération s’est déroulée en 2 phases : une première phase pilote qui touche à sa fin après avoir permis la rénovation de 6 gîtes, et une deuxième qui concerne les 34 gîtes sélectionnés suite au lancement de l’AMI.
    La phase pilote a permis d’évaluer l’approche adoptée par le programme et les outils qu’il a développés (référentiels de qualité et de durabilité GSTC), mais elle a surtout  démontré le double impact de telles interventions. Améliorer le commercial c’est aussi soutenir le social : les gîtes pilotes de Béni-Mellal sont gérés par des femmes (respect de l’approche genre) et sont des lieux de vie pour les familles d’accueil (contribution à l’épanouissement social).
  • L’accompagnement des TPE et la mise en tourisme de leur production, vient d’être démarré par le lancement d’un AMI afin de sélectionner des coopératives/unions de coopératives/Groupements d'Intérêt Économique (GIE) des produits du terroir agricoles et d'artisanat à accompagner.
    Ainsi les coopératives sélectionnées bénéficieront d’un accompagnement qui vise le renforcement de leurs compétences marketing, ce qui aura des retombés positives directes sur la commercialisation de leurs produits et par conséquent apporter des changements positifs aux communautés.
  • En fin, s’agissant des outils de gestion de la destination, l’action est à mi-parcours, mais les premières impressions dégagées permettent d’apprécier l’approche adoptée. Une approche qui permet différents types de collaboration entre les acteurs de l’industrie touristique à l’échelon local, et qui facilite les consensus grâce à son mode  participatif et ascendant.
    Maintenant, l’enjeu est de passer concrètement à une architecture organisationnelle d’une plateforme de coordination pour le développement du tourisme durable, avec l’implication et l’engagement de toutes les parties prenantes autour d’une vision commune et un plan d’action ambitieux, mais réalisable.
Maroc
Tourisme durable
Programme Tourisme Durable Suisse-Maroc
Le programme " Tourisme durable Suisse-Maroc " vise à aider les provinces d'Azilal et de Béni Mellal à développer un tourisme durable avec des secteurs intégrés afin de réduire la pauvreté, générer des revenus, créer de nouveaux emplois et améliorer les emplois existants, en particulier pour les jeunes et les femmes.