Musa Alfred, artisan de sa propre réussite : quand la coiffure devient un tremplin vers une vie meilleure

Education et formation initiales et continues
Elie Bigaba05.06.2025
Au cœur du groupement de Bugarula, en territoire d'Idjwi au Sud-Kivu en République démocratique du Congo, un salon de coiffure attire les regards et suscite l’admiration : le salon « Don Béni ». Derrière ses miroirs bien alignés et ses tondeuses soigneusement rangées, se trouve une histoire de résilience, de passion et de transformation. Celle de MUSA NDURUKIZE Alfred, 28 ans, père de deux jeunes enfants, qui a su redonner du sens à son parcours grâce au projet PROMOST IV (Promouvoir le développement des compétences orientées vers les besoins du marché et la création d'emplois dans la région des Grands Lacs), un programme de la Direction du développement et de la coopération Suisse (DDC), mise en œuvre par Swisscontact.

Une jeunesse marquée par les défis

MUSA Alfred, jeune coiffeur congolais et propriétaire du salon « Don Béni », en plein travail quotidien ; mai 2025.

Comme beaucoup de jeunes Congolais vivant dans des contextes fragiles, Alfred a vu ses rêves se détériorer faces aux réalités du quotidien. À seulement 14 ans, il se rend à l’école avec une petite tondeuse manuelle, gagnant quelques pièces en coupant les cheveux de ses camarades. Mais les obstacles sont nombreux : la maladie, le manque de ressources le forcent à quitter l’école.

En 2018, il tente d’intégrer un salon de coiffure. En vain. « Je n’avais pas la touche convaincante », confie-t-il. Puis un jour, il découvre la tondeuse électrique, un instrument qui a fait naître en lui une véritable passion pour la coiffure. Mais la passion seule ne suffit pas. Il faut des compétences, une méthode, un vrai tremplin.

La rencontre qui a tout changé : PROMOST IV

Ce tremplin arrive en 2023, lorsque Alfred est orienté vers le programme PROMOST IV. Il y découvre non seulement une formation technique en coiffure mixte, mais aussi des modules essentiels sur le développement personnel, la gestion des conflits, la santé reproductive, l’entrepreneuriat et l’éducation financière. Bien au-delà des gestes du métier, ces modules essentiels lui enseignent à gérer une clientèle, planifier ses projets, prendre des décisions stratégiques et faire face avec résilience aux aléas de la vie.

Pendant 3 mois de formation technique et 6 mois d’accompagnement, Alfred s’investie totalement dans l’acquisition des compétences avec une vision bien définie dans le métier de coiffure mixte.

De l’apprentissage à l’entrepreneuriat : naissance du Salon Don Béni

MUSA Alfred, jeune coiffeur congolais et propriétaire du salon « Don Béni », lors de notre interview en mai 2025.

Dès février 2024, Alfred ouvre son propre salon de coiffure. Avec un prêt initial de son entourage, il achète trois tondeuses, des miroirs, des peignes, des produits de soin et loue un petit local. Le salon « Don Béni » est né. Aujourd’hui, douze mois plus tard, il génère en moyenne 15 000 francs congolais (environ 4,3 CHF) par jour, soit près de 100 000 francs (environ 28,5 CHF) par semaine, lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille. Mais son succès ne s’arrête pas à l’argent.

Une vie transformée

»Avoir ma propre maison est une immense fierté. (…) Nourrir ma famille et de leur offrir un avenir est pour moi un soulagement«
confie-t-il, la voix marquée d'une profonde gratitude.

Alfred est passé de vivre chez son père à posséder sa propre maison de trois chambres avec salon, un abri qu'il a bâti de ses mains. Ses revenus lui permettent de couvrir le loyer de son salon, l'électricité, la nourriture pour sa famille et ses frais de transport.

Il épargne chaque semaine dans trois associations villageoises d'épargne (AVEC) et a investi dans l'élevage de chèvres et de volailles, garantissant à sa famille une sécurité supplémentaire. Il ne s’arrête pas là : il forme désormais d’autres jeunes, transmettant son savoir et sa passion.

»Je suis heureux de voir des jeunes que j'ai formés, exercer un métier et gagner leur vie. Leur épanouissement me réjouit bien plus que l'argent. «
déclare-t-il, un sourire sincère aux lèvres.

Alfred voit son avenir grand. Il souhaite aider sa femme à reprendre ses études pour obtenir son diplôme d’état, ouvrir d’autres salons dans les villages voisins, scolariser ses enfants et agrandir sa maison.  Son ambition est aussi communautaire : il veut devenir un acteur de changement, un exemple pour la jeunesse d’Idjwi.

Un impact durable dans un contexte fragile

MUSA Alfred, jeune coiffeur congolais et propriétaire du salon « Don Béni », en plein travail quotidien ; mai 2025.

Dans un pays où plus de 32 % des jeunes de 15 à 24 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (source : banque mondiale, 2021), des histoires comme celle d’Alfred montrent que des solutions existent. A condition qu’elles soient localement ancrées, humainement pensées et structurellement durables. PROMOST IV n’offre pas seulement une formation professionnelle. Il construit des ponts vers l’autonomie, renforce les systèmes locaux et redonne aux jeunes les moyens de croire en eux.

2012 - 2022
Burundi, Rwanda, RD Congo
Education et formation initiales et continues
Promotion de la formation professionnelle axée sur le marché et de la création d'emplois dans la région des Grands Lacs (angl.)
The project supports the Governments of Rwanda, Burundi and the Democratic Republic of Congo (DRC) to improve access, quality and relevance of their respective Technical and Vocational Education and Training (TVET) systems. This addresses the key development challenge of unemployment and underemployment brought about by the low quality of skills...