Coopération au développement et volonté d’insérer durablement les bénéficiaires d’un projet : feedback sur la situation actuelle d’anciens bénéficiaires lancés en auto-emploi au Mali

Insertion au marché du travail
28.02.2023
Il y a un an et demi de cela s’achevait la 1ère phase du PROJES, un projet mis en œuvre au Mali et dont les interventions de formation - complétées d’un dispositif visant à appuyer l’insertion professionnelle des jeunes – étaient assurées par Swisscontact Mali.

S’appuyant sur le témoignage d’ex-collaborateurs restés en contact avec certains des bénéficiaires des régions de Mopti et Ségou, cet article vise à partager l’impact d’interventions qui, dans le cadre du projet, ont été envisagées dans l’objectif d’une insertion professionnelle solide des jeunes accompagnés vers leur nouvelle activité.

Cette insertion qui se voulait solide nécessitait de prévoir les outils qui permettraient aux jeunes d’acquérir les compétences métiers et entrepreneuriales nécessaires, mais pas seulement. Il s’agissait aussi de s’assurer que la démarche proposée et les outils choisis pourraient également nourrir – parmi d’autres choses - leur besoin de se croire capables de gérer efficacement les défis liés à leur activité, état d’esprit indispensable au vue de l’objectif visé.

Jeune femme en auto-emploi dans le secteur de la couture

En juin 2021, les interventions réalisées par Swisscontact Mali dans le cadre d’un projet financé par l’UE (PROJES) arrivaient à leur terme. Pendant 21 mois (octobre 2019 à juin 2021), l’ONG avait lancé des formations en faveur des jeunes bénéficiaires et déployé son dispositif d’appui à l’insertion professionnelle au travers duquel passerait chacun d’eux. Naturellement, la part belle avait été faite à un accompagnement post-formation, avec évidemment cet objectif de nourrir la confiance en soi de chacun des futurs auto-employés.

Une fois les activités lancées, restait toutefois à veiller à ce que les jeunes bénéficiaires du projet soient en mesure de s’investir à 100% dans leur toute jeune « entreprise ». Aussi, les collaborateurs de l’ONG avaient rencontré les parents des bénéficiaires les plus prometteurs, afin de solliciter leur appui dans ce sens : une manière également de permettre aux parents de se sentir partie prenante de ce projet d’insertion de leur enfant.

Plus d’un an et demi plus tard, dans l’objectif d’observer l’évolution des jeunes bénéficiaires du projet lancés en auto-emploi, plusieurs ex-collaborateurs du projet habitant à proximité de ces jeunes ont été contactés, afin d’en avoir des nouvelles.

Si le contentement exprimé par certains parents quant à l’insertion professionnelle de leur enfant – toujours effective – est clairement un motif de satisfaction, certaines observations plus intéressantes ont cependant été soulevées, notamment du côté de Bandiagara (région de Mopti).

En effet, toujours en contact avec une vingtaine de jeunes lancés en auto-emploi dans le cadre du PROJES, un ex-collaborateur a été invité à expliquer pourquoi, selon lui, les jeunes formés et accompagnés vers l’insertion un an et demi auparavant s’en sortaient bien.

A titre d’argument, il a signalé la mise sur pieds de groupes de soutien, par les jeunes eux-mêmes. Comme par exemple le groupe des jeunes formés en installation de systèmes solaires photovoltaïques, qui s’informent sur les opportunités de contrat existantes dans certaines communes afin de les offrir à ceux d’entre eux qui en manquent.

Ou encore le groupe des plombiers, également présent sur WhatsApp, qui échangent entre eux pour surmonter certaines difficultés techniques qu’ils rencontrent dans le cadre de leur métier, afin de s’améliorer. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à consulter leur ancien formateur, en lui faisant parvenir des photos de leur chantier, et celui-ci se rend disponible pour les aider à l’aide de conseils.

Signalés également, d’autres jeunes qui, du côté de Bankass, sont revenus vers certains intervenants du projet pour connaître les conditions à remplir pour évoluer vers une position d’assistants- formateurs.

Un jeune avec son conseiller

Mais l’ex-collaborateur de Bandiagara est également sollicité lorsque les jeunes auto-employés ont des questions d’ordre administratif, notamment en lien avec la formalisation de leur petite entreprise. Sans compter les questions qui, aujourd’hui encore, lui viennent des parents de ces jeunes, et qui visent généralement à garantir la bonne santé de l’activité de leur enfant.

Alors, certes, ces quelques faits pourraient donner l’impression qu’il ne s’agit que de micro- évènements, et que les ex-intervenants sont beaucoup (trop) sollicités. Mais mis bout à bout, ces faits démontrent avant tout que les jeunes dont il est question ne sont pas (ou plus !) englués dans une dynamique relevant du cercle vicieux de l’insertion infructueuse.

Car même si certains d’entre eux éprouvent encore quelques difficultés - que ce soit sur le plan technique ou pour l’accès à des contrats de travail – ces jeunes n’ont pas abandonné leur nouvelle activité, mais cherchent à la consolider, via leurs groupes d’appui. Ce qui relève d’une dynamique positive et reflète leur sentiment d’être en mesure de gérer les difficultés qu’ils rencontrent, en trouvant des solutions adaptées. Et pour d’autres, leur volonté d’évoluer vers une prochaine étape, quand il est par exemple question de vouloir devenir assistants-formateurs.

Par ailleurs, l’analyse des sollicitations des parents permet également de constater une attitude alignée sur celle de leurs enfants désormais insérés professionnellement. Car, là aussi, leur demande ne concerne pas un appui en formation ou en matériel additionnel pour leur enfant. Ils appellent avant tout pour recevoir des conseils, comme ce fut le cas lorsqu’un parent sollicita l’avis d’un ex-intervenant concernant l’éventuelle délocalisation de la boutique de leur enfant.

En conclusion, et naturellement avec toutes les précautions d’usage pour cette analyse relativement sommaire des données récoltées, une insertion professionnelle assez solide semble être de mise du côté des jeunes de Bandiagara.

Une déduction qui ne s’appuie pas seulement sur le constat que les jeunes insérés travaillent toujours dans le domaine pour lequel ils ont été formés 1 1⁄2 an après la fin du projet, mais également sur le fait qu’ils sont toujours en train d’essayer d’améliorer leur activité. Ce qui atteste, selon nous, à la fois de la présence (désormais) d’une assez solide confiance en soi chez ces jeunes, mais également de la pertinence des démarches choisies dans le cadre du PROJES pour accompagner ces jeunes futurs auto- employés vers l’insertion.

Alors bien évidemment, la prise en compte des bénéficiaires dans leur globalité – et donc également sur le plan de leurs besoins psychologiques – peut paraître lourde, en termes d’intervention pour qui veut se lancer dans un projet de formation afin de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes.

Et si nous y voyions plutôt le moyen d’atteindre des résultats souhaités, à la fois gratifiants pour tout acteur du domaine de la coopération au développement et pleinement alignés avec les besoins socioéconomiques des bénéficiaires de nos interventions ?

Mali
Insertion au marché du travail
Programme Jeunesse et Stabilisation PROJES
Le projet promeut le développement économique local par la formation, l’insertion socio-professionnelle et la création d’opportunités économiques pour les jeunes adultes dans les régions du centre du Mali (Mopti et Ségou), leur permettant d’accéder rapidement à des financements pour mieux répondre à leurs besoins économiques...