À la rencontre des partenaires du Projet « Alternatives aux Poursuites Judiciaires »

Insertion au marché du travail
19.04.2022
Depuis 2014, une justice des mineurs a été institutionnalisée au Niger et une Direction de la Protection Judiciaire Juvénile a été créée. Malgré ces avancées significatives, la situation des mineurs en conflit avec la loi a peu évolué et la question de leur réinsertion reste cruciale. Plus de 90% des mineurs incarcérés sont libérés au bout de 06 mois, sans jugement et sans accompagnement pour leur réinsertion socio-professionnelle.

La deuxième phase du projet d’alternatives aux poursuites judiciaires (PAPJ) s’appuie sur la réinsertion des mineurs détenus à travers la mise en œuvre de sessions de formations initiales dans les maisons d’arrêt pour transformer le temps de détention en temps d’acquisition de compétences. A travers ces dispositifs, les jeunes peuvent développer leur potentiel sur un projet professionnel qu’ils/elles pourront mettre en application dès leur libération et grâce à un accompagnement individualisé.

Ces jeunes sont également accompagnés dans la construction de leur projet professionnel par les plateformes et espaces orientation jeunesse et par les travailleurs sociaux des Directions Régionales de la Protection de l’Enfant (DRPE). Enfin, parents et communautés sont amenés à participer activement au projet lorsqu’un de leurs enfants en bénéficie.

Comme dans toutes ses interventions, Swisscontact s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux et institutionnels pour améliorer la qualité du projet. Les acteurs sont pleinement investis de façon à trouver des solutions locales pour lever les freins à l’insertion de ces jeunes. A chaque niveau, les acteurs concernés sont impliqués : ce sont notamment les plateformes orientation insertion pour la découverte des métiers au profit des mineurs (identifiés par le service social de la justice ou la Direction DRPE) et de leurs parents, la Fédération Nationale des Artisans et ses démembrements pour la recherche et le placement des jeunes dans les ateliers, les maitres d’ateliers pour l’accueil et la formation des mineurs pendant 1 ou 2 ans, les travailleurs sociaux de la justice et l’ONG « Grandir Dignement » pour l’accompagnement psycho-social.

Partons à la découverte de certains partenaires qui nous appuient dans la mise en œuvre du projet :

Interview avec Sahabi Yagi : Président de la Fédération Nationale des Artisans du Niger (FNAN)

Quel est le rôle de la FNAN dans l’insertion des jeunes ?

La fédération joue un rôle important au niveau du PAPJ car elle identifie les ateliers et les maitres d’apprentissage qui sont prêts à accueillir des jeunes en conflit avec la loi. La fédération apporte une attention particulière à la motivation du maitre ainsi qu’à son expérience et à l’activité́ économique de son atelier car il faut s’assurer que le jeune aura du travail.

Les maîtres d’apprentissage ne sont-ils pas réticents à accueillir des jeunes en conflit avec la loi ?

Au début, oui bien sûr, mais on les sensibilise à l’importance de pouvoir proposer des alternatives à ces jeunes et généralement, ils sont intéressés car ce sont des jeunes de leur quartier. En amenant les jeunes de leur quartier à changer de comportement, ils améliorent d’une certaine façon le bien-être de leur quartier. Par ailleurs, on les rassure en leur expliquant que la fédération fera des suivis mensuels, et en leur présentant également les autres acteurs impliqués dans le suivi psychosocial de ces jeunes : les travailleurs sociaux, l’ONG Grandir Dignement, et autres…

Comment ça se passe concrètement ?

Si le maître d’apprentissage accepte d’accueillir un jeune, on prend rendez-vous avec l’enfant accompagné d’un parent afin de s’assurer de l’engagement familial. Le parent est sensibilisé à l’importance du suivi dans la réussite de l’insertion de l’enfant. On a constaté́ une corrélation entre l’implication des parents et le niveau de réussite du projet professionnel de l’enfant. Ensuite l’enfant commence son apprentissage qui dure un à deux ans selon les filières. Durant sa formation, il est régulièrement suivi par notre fédération.

Quels sont les difficultés que vous rencontrez ?

Une des difficultés est liée au manque d’assiduité des jeunes qui préfèrent parfois retrouver leurs copains à la fada plutôt que de venir travailler, ou qui subissent la pression de leur bande pour les rejoindre. Il faut donc les amener à venir régulièrement, c’est un long travail de sensibilisation au niveau du jeune mais aussi au niveau du maître d’apprentissage pour qu’il reste patient.

Une autre difficulté est liée au cas de vol, principalement de téléphone cellulaire. Généralement, si le patron est compréhensif, on appelle rapidement le jeune, on discute avec lui et souvent il ramène l’objet volé et réintègre son apprentissage. Cela prend du temps en discussion, mais les jeunes ne recommencent généralement pas deux fois.

Interview de Biga Alogoteye Soumana : Juge des mineurs à Maradi

Biga Alogoteye Soumana travaille dans le domaine de la protection judiciaire juvénile depuis longtemps. Il est arrivé il y a quatre mois à Maradi comme juge des mineurs et a été marqué par le système mis en place.

Quelle est la situation des mineurs en prison à Maradi ?

Depuis que je suis arrivé à ce nouveau poste, j’ai trouvé 24 mineurs en détention alors qu’avant, il pouvait y en avoir plus de 50. J’ai aussi constaté qu’il y n’y a eu aucune récidive. La place d’un enfant n’est pas dans une maison d’arrêt mais malheureusement, faute de structure de prise en charge, ces enfants sont envoyés en prison.

Qu’est-ce qui a changé ?

Quand je suis arrivé, j’ai trouvé un système très intéressant avec les différents acteurs de la chaîne d’intervention impliqués. Quand un jeune passe par mon cabinet, il est référé vers les plateformes information jeunesse. Un conseiller d’orientation insertion identifie son besoin en formation. Certains jeunes sont mis en apprentissage tutoré avec l’appui de la FRAMI (fédération régionale des artisans de Maradi), d’autres suivent une formation professionnalisante avec l’appui de Swisscontact.

Il y a également un comité de protection judicaire juvénile, quel est son rôle ?

En tant que juge des mineurs, je suis le président de ce comité. Ce comité se réunit une fois par mois et permet l’implication de tous les partenaires de la chaîne pénale. On discute des cas des jeunes et on trouve ensemble des solutions. La grande majorité des 135 jeunes suivis par ce comité sont en activité. Ce système permet de décharger le cabinet du juge mais surtout de prendre les mineurs en charge de façon adaptée, limitant de façon considérable les récidives.

Niger
Insertion au marché du travail, Education et formation initiales et continues
Projet d’alternatives aux poursuites judiciaires 
(PAPJ)
Ce projet favorise l’insertion socio-professionnelle des jeunes filles et garçons de 14 à 25 ans déscolarisés ou non scolarisés, en situation de vulnérabilité, dans les régions de Niamey, Dosso, Maradi, Tahoua et Zinder.