Les témoignages du terrain du NIGER

23.11.2020
PROJET PILOTE SUR LES ALTERNATIVES AUX POURSUITES JUDICIAIRES ET A LA DETENTION ET L’AMELIORATION DE LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS DETENUS

Le projet est financé par UNICEF et mis en oeuvre par Swisscontact au Niger.

Depuis 2014 une justice des mineurs a été institutionnalisé au Niger à travers la loi 2014-72 du 20 novembre 2014. Cependant, en pratique, sur le terrain, la situation des mineurs en conflit avec la loi a peu évolué. Alors que la détention devrait être le dernier recours, elle reste quasiment systématique et n’est pas assujettie à des mesures de réinsertion.

Ainsi, plus de 90% des mineurs incarcérés sont libérés au bout de 6 mois, sans jugement et sans accompagnement pour leur réinsertion socio-professionnelle. Cette situation contribue fortement à la récidive de ces jeunes qui se retrouvent de nouveau pour la plupart laissés à eux-mêmes, s’adonnant à de petites activités, pouvant de nouveau devenir illégales.

A travers ce projet Swisscontact permet aux mineurs incarcérés de transformer leur temps de détention en temps d’acquisition de compétences (technique, entreprenariat, soft skills, alphabétisation) et d’autonomisation afin de leur permettre de développer leur potentiel à travers un projet professionnel qu’ils pourront mettre en application à leur sortie de prison à travers un accompagnement individualisé (appui à l’auto-emploi, mise en relation vers des emplois, stages ou apprentissages).

Les dispositifs de formation proposés ( FIP et apprentissage tutoré) offrent la possibilité aux jeunes sans qualification de bénéficier d’une formation qualifiante, et à ceux qui exerçaient déjà un métier avant leur détention de se perfectionner dans leur domaine.

L’accompagnement individualisé permet au jeune d’être au coeur et acteur du processus de son insertion professionnelle. Il est responsabilisé et coaché pour entreprendre les démarches nécessaires à son entrée dans la vie active. Cet accompagnement se fait en partenariat avec les Directions Régionales du Ministère de la Formation Professionnelle, à travers les plateformes orientation-jeunesse, les Fédérations Régionales des Artisans, les Assistants sociaux de la Justice, la DRPE, l’ONG Grandir Dignement et les communautés (communes, chefs coutumiers, familles).

Sékou, ancien détenu de la maison d’arrêt de Niamey a choisi la voie de l’apprentissage tutoré pour devenir mécanicien automobile.

Ce dispositif permet aux jeunes placés pendant une année dans des ateliers partenaires de la Fédération Nationale des Artisans du Niger (FNAN) d’acquérir les compétences techniques et professionnelles clés d’un métier rapidement.

Orphelin de père, il n’a jamais été scolarisé. Le jeune Sékou habite loin de son lieu d’apprentissage il a donc bénéficié d’un vélo afin de faciliter son transport et économiser sur les frais de taxi.

« Grâce à ce projet j’ai eu une seconde chance à travers l’apprentissage d’ un métier. J’aime ce que je fais et je suis occupé toute la journée ce qui m’éloigne de mes anciennes mauvaises fréquentations qui m’ont amené à la prison. Ce métier me permettra de me prendre en charge et d’aider ma famille. Pour le moment mes principales tâches sont le nettoyage du matériel et de l’espace de travail, les achats des pièces de rechanges et des petites réparations. Je vais travailler dur pour avoir mon propre atelier dans le futur ! Comme je suis l’ainé de la famille, je souhaiterai être un exemple pour mes petits frères, partager mon expérience avec eux. »

Souleymane est un ex-détenu de la maison d’arrêt de Maradi. Avant son incarcération il travaillait dans la petite boutique d’alimentation de son père. Lors de son séjour à la maison d’arrêt il a suivi une formation en construction métallique de six mois organisée par la maison d’arrêt.

A sa sortie de prison son formateur l’a accueilli dans son atelier en tant qu’apprenti. Etant déjà formé, Swisscontact lui a fourni des outils et de la matière d’oeuvre afin qu’il puisse développer sa propre production en construction métallique (portes, fenêtres, chaises, …) et lui a donné un vélo pour qu’il puisse se rendre plus facilement à son atelier qui se trouve loin de son domicile.

« Avec le peu que je gagne maintenant, je peux aider ma mère et mes frères et soeurs. Je peux aussi contribuer à acheter certaines denrées alimentaires pour soulager mon père. Quand j’ai été emprisonné je ne pensais pas que découvrir le métier de soudeur allait changer ma vie car aujourd’hui j’ai des projets pour ma vie et je compte bien les réaliser et je suis sûre d’être sur la bonne voie. Avec l’appui de Swisscontact je vais confectionner des pièces que je vais revendre avec l’aide de mon patron ce qui me permettra d’avoir un fond de démarrage.»

Loubabatou, ex-détenue de la Maison d’arrêt de Maradi a été placé en apprentissage tutoré au sein de l’atelier Hikima couture. Ayant quitté l’école en classe de 6ème, ainée d’une grande fratrie, elle a aujourd’hui la volonté de se réinsérer socio-professionnellement à travers l’apprentissage d’un métier.

L’apprentissage tutoré permet aux jeunes d’acquérir les compétences techniques et professionnelles clés d’un métier en une année.

« J’ai entendu parler de Swisscontact à travers l’assistante sociale de la Justice lors de mon séjour à la maison d’arrêt de Maradi. Avant mon incarcération j’avais appris les bases de la couture au sein d’un atelier pendant cinq mois.

Depuis mon placement à l’atelier je me perfectionne en coupe homme et femme. J’ai de plus en plus de commandes pour les mariages, je confectionne les uniformes pour tous les participants, ça me fait un revenu assez conséquent et une notoriété dans le milieu de la couture.

En cette période de pandémie de Covid 19 mon chef d’atelier m’a appris à confectionner des masques afin de répondre à la commande du Gouverneur de la région. Je suis très fière d’avoir apporté ma pierre à l’édifice dans la lutte contre cette maladie. »

Rencontre avec le Capitaine Hamidou Tankari, régisseur de la maison d’arrêt de Maradi

« Swisscontact a commencé à intervenir dans notre centre en janvier 2020. Nous avons accueilli à bras ouvert ce nouveau projet qui permet aux enfants de bénéficier de formations.

Nous nous sommes pleinement impliqués dans la mise en oeuvre du programme en facilitant les démarches pour autoriser les enfants à suivre les formations et pour les surveiller. On a aussi mis des moyens de lutte contre le covid 19 à travers des kits de lavage des mains et des masques.

Les trois formations qui ont jusqu’alors été mise en place sont de qualité. La formation en alphabétisation qui va durer toute la durée du programme est suivie par tous les enfants. Les formations en restauration, en boulangerie et en pâtisserie ont permis aux enfants d’apprendre un métier et de faire ressortir le talent de certains d’entre eux.

Ce qui est vraiment intéressant c’est que les enfants continuent ces activités après les formations grâce aux recettes des ventes. Aujourd’hui les détenus et le personnel ont accès à de très bons produits sur place pour se restaurer et nous n’avons plus besoin d’acheter du pain hors de la maison d’arrêt ! »

Mariama, 17 ans, a été placée en apprentissage tutoré dans un atelier d’électricité bâtiment à sa sortie de la maison d’arrêt de Zinder.

Passionnée d’électricité depuis toute petite, elle a saisi l’opportunité d’apprendre ce métier à la fin de son incarcération.

« Je suis en apprentissage tutoré en électricité bâtiment depuis quatre mois. Ce travail que j’adore faire est un métier d’avenir. Aujourd’hui je maitrise plusieurs techniques telles que l’installation électrique simple apparente, l’installation encastrée, le dépannage, le câblage etc. Je sais également établir des devis.

Chaque matin quand je porte ma tenue pour aller sur un chantier c’est la joie qui m’anime ! Mon patron supervise les travaux que je fais tout en m’expliquant les méthodes et astuces du métier.

Quand les gens me demande comment je fais pour travailler dans ce domaine en étant une femme je leur réponds seulement que ma motivation et ma passion pour ce métier me guident toujours pour persévérer dans mon apprentissage. Je suis fière de mon statut de femme électricienne, et je travaille dur pour devenir une technicienne qualifiée et autonome dans ce domaine. »

Echange avec le Capitaine Abdourahmane Foutah , régisseur de la maison d’arrêt de Niamey

« Swisscontact intervient à la Maison d’arrêt de Niamey depuis le 3 Mars 2020 avec le lancement de la formation en alphabétisation. Depuis elle a mis en place des formations en boulangerie, pâtisserie, restauration, mécanique moto et coiffure homme.

L’intervention de Swisscontact à la maison d’arrêt de Niamey fait la fierté et le bonheur des mineurs détenus car un grand nombre d’entre eux ont appris beaucoup grâce à des formateurs assidus, engagés, et qualifiés. Certains détenus ont obtenu des attestations et d’autres continuent à mener des activités tels que la pâtisserie, la boulangerie et la restauration au sein de la maison d’arrêt. Toutes ces activités relèvent un aspect très positif !

Aujourd’hui de nouvelles activités économiques ont émergées au sein de la maison d’arrêt suite à ces formations (production de pain et de biscuits, production de sandwich, etc.), nous comptons donc mettre en place un comité de gestion et comptons également prévoir des pécules pour ces mineurs détenus qui travaillent et la mise en place d’un compte d’épargne pour leur permettre de préparer l’après prison et retrouver une place dans la société ».

Monsieur Rahamane Abdou est chef d’atelier électricité-froid-climatisation au quartier Recasement à Niamey.

Titulaire d’une licence en froid et climatisation, monsieur Rahamane Abdou exerce cette profession depuis plus de vingt ans. Passionné et aguerrit dans son métier, il n’a pas hésité à former pendant une année d’ex détenus mineurs de la Maison d’arrêt de Niamey souhaitant apprendre ce métier.

« J’ai immédiatement adhéré au projet, en effet la formation professionnelle peut permettre de réduire considérablement la délinquance juvénile, surtout si l’apprenant met du sérieux dans son travail et qu’il est régulièrement suivi comme c’est le cas dans le cadre du PAPJ avec des visites de Swisscontact et de la Fédération Nationale des Artisans (FNAN).

Ce projet fait la fierté et le bonheur de ces mineurs car il leur permet d’apprendre un métier, de ne pas renouer avec les anciennes fréquentations et surtout de favoriser l’accès à l’emploi.

Pour l’avenir, j’aimerai agrandir mon atelier et créer un centre de formation pour que les jeunes sans formation et sans emploi puissent avoir les moyens de gagner convenablement leur vie ! »

Rabé Hassaou, 71 ans, est le chef du quartier Hassaou, l’un des 17 quartiers de Maradi, depuis 27 ans.

« Nous avons accueilli ce projet avec enthousiasme car il nous a tout de suite convaincue dès les premiers échanges.

Ce projet a permis à notre communauté de lutter contre le chômage car elle a formé nos jeunes et leur a donné une activité économique. Le résultat parle de lui-même.

Nous avons contribué avec une vive énergie pour faciliter l’identifications de ces jeunes.

Nous avons aussi joué notre rôle pour suivre ces jeunes une fois autonomisés pour nous assurer qu’ils continuent à faire leurs activités et aux besoins nous leurs apportons notre modeste aide.

On a très vite vu du concret! Beaucoup de nos enfants en conflit avec la loi ont pu retrouver leurs places au sein de notre communauté.

Beaucoup sont aujourd’hui de petits entrepreneurs et on est confiant par rapport à leur émergence économique et des plus-values qu’ils vont apporter dans notre communauté.

Nous souhaitons vraiment que ce genre de projet continue car c’est vraiment l’alternative qu’il nous faut. »

Jean Yves, 17 ans, est un ex détenu mineur. Durant son incarcération à la maison d’arrêt de Niamey il a suivi une formation en boulangerie pâtisserie mise en oeuvre par Swisscontact. Depuis sa libération il a ouvert un lieu de vente de pâtisserie devant son domicile familial au quartier Bobiel.

Le jeune Jean Yves a quitté l’école en classe de 3ème. À cause de ses mauvaises fréquentations il s’est retrouvé à la maison d’arrêt de Niamey.

« La formation en boulangerie pâtisserie a été l’élément déclencheur pour que je prenne conscience de la chance que j’ai de repartir à zéro. J’ai appris à faire plusieurs types de produits : des biscuits sautés, du pain, des croissants, etc. J’ai approfondi mes connaissances après ma libération chez moi grâce à l’appui en matériel et matière première que j’ai reçu. Je remercie mon formateur de la maison d’arrêt qui est venu chez moi pour m’appuyer à faire mes premières productions.

Grâce à cette opportunité, j’ai repris le chemin de l’école. J’ai payé ma scolarité avec les bénéfices de la vente des biscuits. En semaine je vais à l’école et le weekend je fais mes biscuits dans mon petit atelier devant la maison. Pour l’avenir j’aspire à devenir un pâtissier talentueux et à créer une boulangerie-pâtisserie. »

Echange avec Mme Adam Jariram, Directrice Régionale de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant (DRPF/PE).

« Swisscontact a mis en place deux dispositifs de formation dont nous sommes convaincus de leur pertinence, à savoir l’apprentissage tutoré et les formations initiales professionnalisantes pour les jeunes en conflits avec la loi. Ces dispositifs permettent aux enfants d’avoir de réels débouchés à l’issue de leur formation.

Nous avons accompagné Swisscontact en mettant à disposition nos centres de formation, en assurant le suivi post-carcéral, le suivi des enfants placés en apprentissage et la sensibilisation des parents des jeunes bénéficiaires.

D’une manière générale l’intervention de Swisscontact est très positive, elle nous encourage en tant que premier acteur de la protection de l’enfant. Nous souhaitons que notre collaboration soit davantage renforcée.

A travers ce projet nous sommes fiers de voir des enfants en conflit avec la loi formés qui se sont insérés socio-professionnellement à travers des activités génératrices de revenus et qui sont aujourd’hui devenus autonomes. »

Oumarou Mainassara est formateur en mécanique deux roues et possède un atelier à Niamey au quartier Banizoumbou. Avec une vingtaine d’années d’expérience à son actif, il a accepté de former les jeunes détenus de la maison d’arrêt de Niamey.

« Avant d’être formateur à la maison d’arrêt de Niamey en mécanique deux roues j’avais accepté quelques ex détenus en apprentissage tutoré dans mon atelier. Notre collaboration avec Swisscontact a commencé en début d’année 2020, par le biais de la fédération nationale des artisans du Niger (FNAN).

Le concept du projet m’a séduit, car La formation est la meilleure voie d’insertion dans la vie professionnelle et sociale. Les jeunes apprennent et exercent un métier qui leur donne une stabilité financière, le respect de la société et surtout de quoi subvenir à leurs propres besoins.

Travailler avec Swisscontact est une opportunité pour moi d’aider ces enfants, mais aussi d’apporter ma pierre à l’édifice dans la réduction de la délinquance juvénile. J’aspire pour l’avenir à créer un système de suivi des jeunes après leurs sorties de prison, pour qu’ils ne renouent pas avec les mauvaises fréquentations. »

Le projet est financé par UNICEF et mis en oeuvre par Swisscontact au Niger.